Un jeune Parisien descend dans le métro bondé à l’heure de pointe. Il réussit à attraper une place assise, qui plus est en face de la plus jolie fille de la rame. On annonce un trafic perturbé. Alors, avec lui qui observe ses compagnons de voyage, et tout particulièrement cette belle inconnue,qui rêvasse et fantasme, qui revoit son quotidien, nous plongeons sur les grands huit du doute et de l’élan. Au fil de ses réflexions, la colère gronde en effet de plus en plus fort, monte crescendo vers une agressivité extrême, jusqu’aux pulsions criminelles…
C’est un jour comme un autre dans la capitale, tout bascule un jour comme ça. Un trajet un peu plus long que prévu, ça suffit. Soudainement,
le discours s’emporte, vite, violemment, et tout est mis en cause – puisqu’ici tout manque : le temps, l’argent, la terre, l’amour… Sur le parcours, l’incohérence apparente, des ruminations inquiétantes, la démesure des sentiments ; attendez-vous à avoir le tournis. C’est qu’il faut le surmenage, la fatigue, l’étouffement, pour quitter l’indignation innocente et s’engager à donner un sens profond au mot « révolte ». Il faut lire à voix haute et en rythme ses diatribes anaphoriques, cette langue massacrée, la vie criante, et en travers s’apercevoir que les yeux s’ouvrent doucement, que le cœur se prépare, que la métamorphose est en marche… Incertain, sincère, il interroge ses convictions : alors ! qu’attend-on de toi ? à quoi bon lutter encore ? combien de véritables combats ? n’es-tu pas le premier hypocrite ? le demi-tour est-il possible ? mes impératifs moraux me laissent-ils libre ?
La réalité toute verrouillée, le déclic se fait dans le lieu du fantasme, face à un visage séduisant. D’emblée, le narrateur noue la vie intime et l’existence sociale. C’est bien dans ce métro que les corps se touchent, c’est bien dans la société que nous faisons l’amour, que nous enfantons, que nous vieillissons. Tout au long du texte, des voix nous accompagnent, chansonniers, poètes, amis, des voix qui guident, des voix qui réchauffent, des yeux pour éclairer, des poings levés, des frères d’âmes. L’intertextualité est au premier plan de cette satire. Avec le compositeur de J’accuse (Damien Saez), avec l’auteur de L’Homme révolté (Albert Camus) et le slameur qui se fait son passeur un soir (Abd Al Malik), avec un poète de la terre (René Char) ou un « penseur vraiment critique » (Jacques Ellul), la polyphonie témoigne ici de la reconnaissance, c’est-à-dire de l’estime et de la gratitude. Car seul – et combien d’entre nous sont seuls –, rien n’est possible : seul, tu n’apprends pas, seul, tu n’aimes rien, seul, tu ne fais pas de livre. La lutte politique est amoureuse, la colère fraternelle, je suis désir de l’autre.
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